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Chroniques
Karlheinz Stockhausen
Helikopter-Streichquartett
C'est en 1991 que Karlheinz Stockhausen – né le 22 août 1928 à Mödrath (Allemagne), décédé le 5 décembre dernier à Kürten – reçoit une commande du Festival de Salzbourg pour un quatuor à cordes devant être créé trois ans plus tard par le Quatuor Arditti. De même que pendant quarante-cinq ans, il n'a livré aucune symphonie, sonate ou concerto, le compositeur n'est guère emballé, sa volonté de ne pas séparer forme, contenu et performance s'accordant mal avec cette forme figée, si caractéristique du XVIIIe siècle. Et vint ce rêve où il entendit et vit des quartettistes jouant chacun dans un hélicoptère en vol.
« La plupart du temps, les musiciens jouaient des tremoli qui se mêlaient si bien avec les timbres et les rythmes du rotor des pales que les hélicoptères sonnaient comme des instruments de musique. En me réveillant, j'ai ressenti fortement que quelque chose m'avait été communiqué que je n'aurai pas pu penser par moi-même. Je n'en parlai à personne ». Pris par d'autres travaux, Stockhausen attend 1992-93 pour s'atteler à la partition en quadrichromie de Helikopter-Streichquartett, dédiée à tous les astronautes.
À l'automne 1993, découvrant le projet, la direction du festival autrichien (Hans Landesmann, Gerard Mortier) donne – bien évidemment ! – son accord ; une longue série de négociations s'en suit auprès de l'armée (pour les véhicules), de la radiotélévision (pour le matériel de retransmission sonore et visuelle auprès des spectateurs) et des autorités (pour diverses autorisations). C'est à partir de là que la création salzbourgeoise échoue au profit de celle du Festival de Hollande : son directeur Jan van Vlijmen annonce au compositeur que sa partition serait donnée trois fois – à 16h30, 18h30 et 20h30 –, le 26 juin 1995, à Amsterdam. Ce sont plusieurs étapes de l'élaboration du projet, du 6 mai au jour J, qui forment la trame de ce documentaire. Aux images de répétitions s'ajoutent quelques réflexions des instrumentistes : l'un évoque la difficulté de jouer et de parler (les barres de mesure sont annoncées, façon sprechgesang), un autre parle d'une œuvre où l'on se sent solitaire, etc.
« Pour chaque nouveau départ, confie Stockhausen, j'attends quelque chose de moi, et des moyens que j'utilise. Quelque chose que je n'ai jamais entendu, qu'on n'a jamais joué et qu'on n'a jamais fait ». Nul doute qu'on ait ici affaire à une pièce aussi originale qu'inouïe !
LB